Des livres et des libraires

La ville de Tours était un centre de production de livres, probablement en raison de la demande de livres de luxe par la cour royale. Mais les dix livres que possédait la chaussetière Jehane Bernarde montrent que le marché du livre fournissait aussi une clientèle moins aisée.
Plusieurs enlumineurs de grand talent étaient actifs à Tours. L’un d’eux était Jean Fouquet (vers 1420-1478/82), dont le style était influencé à la fois par l’art flamand et italien. Peintre d’images magnifiques très proches de la réalité, Fouquet fut nommé peintre personnel du roi Louis XI. Quelques-unes de ses peintures sur panneau de bois, de qualité exceptionnelle, ont survécu, mais Fouquet fut surtout célèbre comme enlumineur. Malgré sa renommée artistique, « Jehan Fouquet, enlumineur » fut appelé à faire le guet de nuit sur les remparts de Tours, de même que les autres artisans.
Jean Bourdichon (v. 1457-v. 1521), ancien apprenti de l’atelier de Fouquet, est un autre enlumineur célèbre vivant à Tours. Les livres de comptes de plusieurs rois et reines de France montrent qu’ils se sont souvent adressés à Jean Bourdichon pour la production de livres luxueux, dont les Grandes Heures de la reine Anne de Bretagne comptent parmi plus beaux exemples.
Les archives municipales et notariales montrent que de nombreux artisans du livre étaient actifs à Tours. Certains d’entre eux étaient appelés « libraires » : il s’agissait de propriétaires de librairies qui souvent organisaient aussi la production de livres en répartissant les tâches entre copistes, enlumineurs et relieurs. Comme plusieurs artisans spécialisés collaboraient fréquemment, il n’est pas étonnant de les retrouver concentrés dans des lieux spécifiques, par exemple dans la rue de la Scellerie près de l’église Saint-Vincent et du couvent des Franciscains.
La première mention de la présence d’un imprimeur à Tours date de 1492, lorsque Mathieu Latheron signe un contrat de location pour une maison située dans la rue de la Scellerie, près de l’église Saint-Vincent. Cette même maison a ensuite été utilisée par les imprimeurs Mathieu Chercelé et André Trihollet, qui achetèrent la presse et les caractères d’imprimerie de Latheron après sa mort.
Le Livre d’heures d’Anne de Bretagne

Ce Livre d’heures très richement décoré, les « Grandes Heures » de la reine Anne de Bretagne, est l’un des chefs-d’œuvre de Jean Bourdichon. Le manuscrit contient plus de cinquante peintures pleine page et de nombreuses pages présentent des bordures magnifiquement décorées de plantes et de fleurs, parmi lesquelles une représentation unique d’une courge sauvage originaire des Amériques. La page reproduite ici représente le martyre de Sainte Ursule et les mille vierges qui, selon la légende, se rendirent en bateau jusqu’à la Bretagne française.
Le début de l’imprimerie à Tours

Cette Vie de saint Martin en français compte parmi les premiers livres imprimés à Tours. Mathieu Latheron l’imprima pour le « marchand libraire » Jehan du Liège, qui avait sa boutique à l’extrémité ouest de la rue de la Scellerie, dans une maison à l’enseigne de Saint Jean l’Évangéliste, près du couvent des Augustins (actuellement 15-19 rue des Halles). Le tombeau de Saint Martin à Tours était un des sanctuaires les plus importants de France et attirait de nombreux pèlerins dans la ville, ce qui constituait un marché important pour ce livre imprimé.
Un copiste travaillant dans rue de la Scellerie

Ce manuscrit du XVe siècle est celui d’un ouvrage de Christine de Pizan, destiné à un public féminin, le Livre des trois vertus. Le texte contient des conseils aux femmes de tous les niveaux de la société, des reines jusqu’aux femmes pauvres. Cet exemplaire est remarquable car le copiste a ajouté un colophon précisant qu’il travaillait à Tours, dans la rue de la Scellerie : « Explicit le Livre des trois vertus pour l’éducation des dames, copié par les mains de Jehan Gardel, demeurant à Tours dans la rue de la Scellerie, serviteur de ma dite dame ».
Margriet Hoogvliet
Références:
Margriet Hoogvliet and David Rivaud, “Tours around 1500: Deep Mapping Scribes, Booksellers, and Printers”, Peregrinations: Journal of Medieval Art and Architecture 7/4 (2021), pp. 73-120; online: https://digital.kenyon.edu/perejournal/vol7/iss4/6.
Béatrice de Chancel-Bardelot, Pascale Charron, Pierre-Gilles Girault, Jean-Marie Guillouët, eds., Tours 1500 : capitale des arts. Catalogue d’exposition, Tours, Musée des Beaux-Arts, 17 mars-17 juin 2009, Paris-Tours, Somogy, 2012.
François Avril, Nicole Reynaud, eds., Les Manuscrits à peintures en France, 1440-1520, catalogue d’exposition, Paris, Bibliothèque nationale, 1993.
