7. L’abbaye Saint-Julien

Les entrées royales à Tours

La place publique dite « le carroi de Beaune » était située à peu près à l’endroit de l’actuelle rue Nationale, à proximité de l’abbaye de St Julien. Cette place était l’un des sites où avaient lieu habituellement les spectacles lors des entrées royales.

Au Moyen Âge, les nouveaux dirigeants tels que les rois, les reines, les princes et les évêques étaient accueillis cérémonieusement lorsqu’ils entraient pour la première fois dans une ville de leur territoire. À l’origine, le rituel consistait en une réception officielle par le conseil municipal aux portes de la ville, suivie parfois d’un défilé à travers les rues. A partir de la fin du XIVe siècle, les entrées deviennent de plus en plus élaborées et comprennent décors somptueux, tableaux vivants, architecture éphémère, théâtre, musique et offre de cadeaux précieux. Ainsi, les entrées royales deviennent des espaces de négociation entre l’exercice du pouvoir royal et la confirmation des droits urbains

En tant que deuxième capitale du royaume de France, Tours organisait et finançait de nombreuses entrées royales comme l’attestent les comptes de dépenses tenus par les élus. En 1436 par exemple, la ville organisa des festivités célébrant le mariage entre le prince héritier et futur roi Louis XI et Margaret Steward, qui comprenaient une « mauresque », une danse orientalisante par des personnages « maures » maquillés en Noirs portant des clochettes.

Les entrées du roi Louis XII et de sa nouvelle épouse Anne de Bretagne eurent lieu séparément, les 24 et 25 novembre 1500. La ville les accueillit à l’entrée ouest de la ville et ensuite ils traversèrent chacun la ville sous un dais. L’itinéraire à travers la ville suivait généralement la même route ouest-est jusqu’à la cathédrale Saint-Gatien, avec des arrêts sur les principales places publiques et devant l’hôtel de ville.

En 1500, les mêmes scènes furent organisées pour l’entrée du roi et le lendemain, celle de la reine. Certaines étaient très élaborées. Par exemple, au moment où le roi ou la reine entrèrent dans la ville, venant de l’ouest par la porte de la Riche, un spectacle de ‘mystère’ leur fut présenté, évoquant les fondateurs légendaires de la ville de Tours, Turnus et Hugo, ainsi que des personnifications de trois vertus : Foi, Espoir et Fidélité. Ce message s’adressait simultanément au roi, à la reine et à la population urbaine. Le spectacle comprenait également l’exposition des armoiries de la ville, de la musique, des tapisseries et de la verdure fraîchement coupée. La plupart de ces spectacles s’accompagnaient de panneaux de textes et de rouleaux de poésie expliquant les figures mythologiques, bibliques et allégoriques exposées, invitant ainsi le public à les lire

La ville déboursa la somme énorme de 2854 livres tournois pour l’entrée royale de 1500, notamment en cadeaux extravagants pour le roi et la reine. Le roi reçut une coupe en or contenant 60 médailles d’or, et la reine une décoration de table spectaculaire en forme de nef réalisée en cornaline, une pierre semi-précieuse, en or et en argent.

Médaille d’or représentant Louis XII
Michel Colombe et Jean Chapillon, Médaille d’or avec Louis XII (1500) ; Paris, Bibliothèque nationale de France, Département des monnaies, médailles et antiquités, Série royale 49.

Une coupe en or et 60 médailles d’or ont été offertes en cadeau au roi Louis XII à l’occasion de son entrée royale à Tours. La médaille a été conçue par le célèbre sculpteur tourangeau Michel Colombe. Le côté face représente le roi coiffé d’un chapeau avec médaille et porte une inscription latine « LVDOVIC XII FRANCORV REX MEDIOLANI DVX » (Louis XII, roi des Francs, duc de Milan). Le côté pile porte l’emblème personnel du roi, un porc-épic couronné, au-dessus de trois tours faisant référence à la ville de Tours, le tout accompagné d’un texte en latin classicisant : « VICTOR TRIVMPHATOR SEMPER AVGVSTVS » (Conquérant triomphant, toujours majestueux). « Augustus » peut également être lu comme une référence à l’empereur romain Auguste.

L’entrée triomphale de Louis XII à Gènes
Tableau attribué à Jean Bourdichon, texte de Jean Marot, Le Voyage de Gênes, Paris, Bibliothèque nationale de France, MS fr. 5091, f. 22v.

Hormis une liste des dépenses établie par le conseil de la ville, aucun document visuel ne nous permet de nous représenter l’entrée royale de Louis XII et d’Anne de Bretagne à Tours en 1500. Cette enluminure a été réalisée par le peintre tourangeau Jean Bourdichon au début du XVIe siècle. L’image illustre un texte de Jean Marot relatant la victoire de Louis XII à Gênes et son entrée triomphale dans cette ville en 1507. Elle traduit avant tout l’image idéologique de la monarchie française : un roi-héros richement paré et vénéré entrant dans une ville qui se soumet à lui. Les vierges agenouillées portant des branches d’olivier représentent la population subjuguée, mais ces branches font également référence à l’entrée du Christ à Jérusalem le dimanche des Rameaux.

Margriet Hoogvliet

Références:

Bernard Guenée et Françoise Lehoux, Les Entrées royales françaises de 1328 à 1515, Paris, Éditions du CNRS, 1968.

David Rivaud, Les villes et le roi Les municipalités de Bourges, Poitiers et Tours et l’émergence de l’État moderne (v. 1440-v. 1560), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, pp. 207-239.

David Rivaud, ed., Entrées épiscopales, royales et princières dans les villes du Centre-Ouest de la France XIVe-XVIe siècles, Geneva: Droz, 2013.

Neil Murphy, Ceremonial Entries, Municipal Liberties and the Negotiation of Power in Valois France, 1328-1589, Leiden, Brill, 2016.